Discours d’inauguration de Julien Eggenberger

Discours d’inauguration de Julien Eggenberger

Vendredi, Février 23, 2024

"Parler de la Maison du peuple, c’est parler de « notre » maison. Parler de la Maison du peuple, c’est parler de notre histoire. Parler de la Maison du peuple, c’est parler de rencontres qui ont marqué l’Histoire, avec un grand H, et nos histoires de vie, aussi. Parler de la Maison du peuple, c’est parler des aspirations, des aspirations à un projet commun, des aspirations à des projets communs."

Mesdames et Messieurs, en vos titres et fonctions, Chères amies et chers amis,

Parler de la Maison du peuple, c’est parler de « notre » maison. Parler de la Maison du peuple, c’est parler de notre histoire. Parler de la Maison du peuple, c’est parler de rencontres qui ont marqué l’Histoire, avec un grand H, et nos histoires de vie, aussi. Parler de la Maison du peuple, c’est parler des aspirations, des aspirations à un projet commun, des aspirations à des projets communs.

Au tournant du siècle dernier, les organisations ouvrières émergent à Lausanne. Elles s’organisent aussi au niveau international, elles échangent. Des visionnaires se rendent compte qu’il est indispensable d’offrir des espaces d’éducation et de culture ouvrière. C’est dans ce cadre que les Maisons du peuple apparaissent, dans toute l’Europe. Celle de Lausanne est créée en 1900, inspirée par celle de Bruxelles justement visitée par des pionniers, d’anciens radicaux et futurs socialistes. Ces derniers veulent éviter une institution paternaliste basée sur un sentiment de supériorité, et affirment promouvoir la fraternité, reposant sur l’égalité dans la diversité. C’est leurs mots.

En 1916, le cercle ouvrier, qui vous accueille aujourd’hui, se structure. Une société coopérative est créée. Son but est d’abord libellé ainsi « Cette œuvre est ouverte à toutes les opinions politiques et religieuses. Elle a un caractère de fraternité, d’égalité et de solidarité sociale ». Plus tard reformulé ainsi : « La société a pour but de créer et d’entretenir, dans l’intérêt public et général, un centre d’éducation, de récréation et de solidarité humaine. ».

Une aspiration à être un centre d’éducation. Aujourd’hui, des cours, des conférences, des débats, des lectures, des workshops, des cours de langue et culture d’origine, des enseignements religieux, de théâtre, une école de thérapie fasciale, des séminaires sur les droits humains, l’interculturalité, etc… Une diversité et une richesse. Pour les forces de progrès, il est essentiel de partager et de former.

Une aspiration aussi à la création. Depuis toujours, la culture est un pilier essentiel de ce projet. Hier, fondation de l’orchestre de chambre de Lausanne, chorale du Congrès mondiale des mères, accueil du festival des urbaines. Aujourd’hui évidemment avec les superbes locaux de la Haute école de Musique, mais aussi avec deux interventions réalisées à l’occasion de ce chantier, la magnifique exposition de photographies de Thierry Porchet et la réalisation d’un film marquant, je crois, sur « Les Gens de la Maison du peuple » par Adrian Blaser. Demain, un projet à construire dans l’Eldorado, qui nous permette de perpétuer, en la réintérprétant, cette aspiration. Et en attendant, des interventions à développer, comme celle prévue par l’association La Syndicale qui nous propose une soirée de concerts à la fin de l’été dans l’ancien cinéma. Cette aspiration créative nous rappelle combien la culture est un fondement essentiel d’un projet émancipateur. Un fondement sur lequel notre société compte bien continuer à bâtir cette Maison.

Une aspiration à des activités récréatives. Loin de se limiter aux joutes politiques, la Maison du peuple offre aussi des opportunités favorisant le lien social. Avant, jeu de quilles, salle de lotos, aujourd’hui, thé dansant, bar latino et demain, encore un autre projet à construire peut-être !

Une aspiration, finalement, à la solidarité humaine. On en veut pour preuve le fait que les syndicats jouent un rôle déterminant dans cette Maison. Des comités de grévistes de 1918 aux mouvements de sans-papiers, des internationalistes aux pacifistes, des grévistes du climat aux collectifs féministes, tant de combats sont menés dans cette Maison. Des combats qui ont en commun de réunir ceux qui doivent se battre pour obtenir ce qui devrait leur être dû, un bon salaire, un bon travail, l’égalité, des loisirs, l’absence de discrimination, une société pacifique, la justice sociale, un système économique plus durable pour notre planète. Loin de se limiter à un souvenir heureux, une Maison du peuple porte, par essence, un projet d’avenir, un projet d’avenir tellement actuel.

Dans cette situation, notre engagement comme dirigeant d’une telle société coopérative est exigeant. En effet, cette Maison, c’est un projet qu’on nous confie, provisoirement. La première exigence, est donc d’en assurer la pérennité. Et je peux vous dire que le Conseil d’administration, largement renouvelé depuis deux ans, assume avec sérieux cette responsabilité. Le cercle ouvrier, bien qu’offrant parmi les tarifs les plus abordables de Lausanne, bien que renonçant à toute spéculation sur les loyers des logements, a une situation saine qui nous permet d’investir, pas loin de 8 millions pour cette étape de travaux.

Parmi ces combats exigeants que je mentionnais, j’en relève trois :

– Tout d’abord, l’aspiration à une vie meilleure, et donc un travail dans de bonnes conditions, à un prix juste. Cette aspiration est déterminante dans la gestion d’un chantier comme celui-ci. C’est pourquoi, nous avons travaillé étroitement avec le syndicat UNIA dans le cadre d’une convention qui portait principalement sur deux points : le cadrage très strict des conditions de sous traitance et la validation de l’ensemble des entreprises mandatées afin de s’assurer de ne pas encourager les mauvaises pratiques. Ce que nous, syndicats, exigeons des maîtres d’ouvrage, nous l’avons appliqué à nous-même.

– Ensuite, nous aussi, nous sommes « plus chauds que le climat ». Des améliorations significatives ont été apportées afin de diminuer notre impact sur l’environnement.  M. Tardin architecte reviendra sur ce point pour ce qui concerne les travaux. Dans notre gestion courante, nous avons aussi diminué notre production de déchets, en bannissant la vaisselle jetable et en créant des postes de tri dans chaque salle. Nous avons aussi renouvelé le mobilier des salles avec des produits fabriqués dans le canton de Fribourg en bois labellisé.

– Finalement, une juste place des femmes dans notre société. Chez nous aussi, l’objectif n’est pas (encore) atteint puisque notre Conseil d’administration comporte moins d’un quart de femmes. C’est pourquoi, depuis l’assemblée générale de l’année dernière, que seules des femmes peuvent être proposées pour des nouveaux mandats, jusqu’à obtenir, une répartition plus conforme à ce qui doit être. Aucun mérite particulier à cela, seulement assumer nos valeurs.

Nous concluons, aujourd’hui et avec vous, un cycle de rénovations compliqué, difficile, qui a mis notre société devant la nécessité de se réorganiser pour continuer à faire vivre cette Maison. Non pas une Maison qui serait un immeuble dans lequel nous cohabiterions dans un complexe pour associations plus ou moins issues du mouvement ouvrier. Non pas seulement un ensemble de locaux de réunion qui accueille plus de 1000 événements par an. Mais plutôt une Maison, faite de gens, des gens qui partagent une aspiration commune, celle de la nécessité de s’organiser, collectivement, pour défendre nos droits, pour défendre les droits de certains groupes, pour défendre des idéaux. C’est vrai, nous ne sommes pas toutes et tous d’accord sur de nombreux points, mais nous sommes au moins d’accord que nous devons avancer, et autant que possible, ensemble.

En résumé, chers amis et chères amies, nous fêtons aujourd’hui, une Maison, ses gens et un projet. Et si nous le fêtons, c’est grâce à chacune et chacun d’entre vous. Membres et anciens membres du Conseil d’administration, employées et employés du Cercle ouvrier, sociétaires, locataires, gérance, entreprises de travaux, mandataires, et toutes celles et tous ceux que j’oublie. C’est grâce à votre engagement dans ce projet que nous sommes en mesure d’assurer que notre Maison du peuple est, et sera, un projet d’avenir ! Je vous remercie donc pour la marque d’amitié que vous nous faites en étant présents aujourd’hui, je vous remercie pour l’aspiration que vous manifestez pour ce projet collectif, je vous remercie enfin pour l’ambition que tout cela montre pour un monde meilleur, plus juste. Finalement, très humblement, je vous remercie pour la confiance que vous nous faites en nous laissant les clés de cette Maison. Merci beaucoup.

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